À L’Est de L’Apocalypse ( nouvelles de la Déconnexion )
Éditions des Six Brumes
Je suis heureuse de faire ici la critique de ce qui est à date le meilleur livre que j’aie lu en 2019!!! Ce recueil est le « bébé » de l’auteure Marie Laporte, qui caressait ce projet depuis 2005. L’attente aura amplement valu la peine. Une anthologie a habituellement des moments forts et d’autres moins heureux; or ici, on a « rien que du bon » comme disent les français. Les prémices de l’anthologie est un Québec ( plus spécifiquement la belle région de l’Estrie ) qui, le 16 octobre 2019, s’est arrêté. Littéralement. Toute technologique électrique, informatique et mécanique a disparu d’un seul coup; bien que la cause de l’évènement ne soit jamais élucidée, on soupçonne un acte terrorisme. Les moteurs automobiles sont grillés, les avions en vol se sont écrasés; il n’y a plus de télévision, d’ordinateurs, de cellulaires…La grande paix, direz-vous? Peut-être, mais il n’y a plus de chauffage autre que le bois, plus de médicaments, plus de divertissements autre que la lecture… À la chandelle. Les protagonistes sont sans nouvelles ou presque des autres régions du Québec. Des saynètes numérotées nous donnent des images de l’évolution de La Déplogue. À travers ces indices, on peut lire les nouvelles des différents auteurs. On peut y lire des textes de SF post-apocalytiques, un de steampunk et deux de fantastique. Elles ont toutes leur charme et montrent la fin du monde comme si vous y étiez.
La première nouvelle est « Le Livre De Trop »d’Éric Gauthier. Il raconte le courage et la determination des survivants, la vie qui s’organise en petites communautés. Des touches d’humour allègent le futur incertain des protagonistes. Le personnage principal est l’attachante cheftaine d’une commune qui héberge les esseulés de la route. Touchant et réaliste!
« Réveillon », un texte de fantastique de Marie Laporte nous rassure que, même après l’apocalypse, certains Noels en famille ne changent pas. On y voit une famille famille dysfonctionnelle à souhait, réunie pour un réveillon cauchemardesque. Je vous avertis, c’est un texte triste et quelque peu déprimant, mais très convainquant par ses personnages et dialogues!
« Gloria », d’Élisabeth Tremblay, nous présente la vie difficile d’une sorcière « moderne » vivant avec ce qui reste de sa famille. Leur survie passe par la chasse, la tannerie, la cueillette ainsi que la fabrication de remèdes ancestraux. Le thème de la vengeance y est fort bien exploité. La dureté d’une société désormais sans loi nous rentre dedans avec force! Le rapport que les personnages entretiennent avec la nature y est fort intéressant.
« La Chiromancienne », de Pierre-Alexandre Bachand, est un texte remarquable pour un débutant. On y assiste à la montée de l’extrêmisme religieux dans le Québec d’après la Déconnexion. La nouvelle est particulièrement jouissive pour une amateure de chiens comme moi!. En passant, j’ai beaucoup apprécié le rôle important donné aux chiens dans l’ensemble du recueil. La littérature et le cinéma post-apocalyptiques négligent souvent le rôle essentiel du meilleur ami de l’homme pour la survie de ce dernier. Le monde moderne a dénaturé la relation entre humains et canidés; on oublie souvent que nos ancêtres préhistoriques n’auraient pas évolué aussi bien sans eux…
« Acousmatique » de Raphaëlle Adam, est l’autre nouvelle de fantastique du recueil. Il s’agit d’un texte qui vaut définitivement le détour! L’athmosphère y est magique et fascinante… Un soir d’orage, une ancienne musicienne et sa famille adoptive tentent de rejoindre Sherbrooke après qu’une épidémie ait décimé leur petit village. L’auteur souligne au passage l’importance des distances dans un Québec sans moyens de transport autres que la marche et de trop rares chevaux. Raphaëlle Adam: une voix du fantastique qui promet!
« Paréidolies », de Véronique Drouin, met en scène une enfant dont le petit village a été décimé par les hommes de main d’un despote sanguinaire, le Maire de Sherbrooke. L’auteure nous présente avec brio les dangers d’une enfance post-apocalyptique avec tout ce que la survie demande de méfiance et de ruse. Mon texte préféré du recueil, et je peux vous dire que la compétition était féroce! Une auteure que je ne connaissais pas et que je vais suivre désormais…
Carl Rocheleau nous offre une nouvelle steampunk avec « La Cage ». C’est un texte dur situé dans un monde où le peu de technologie récupérable est détourné à des fins guerrières. Fort bien écrite et concise, l’histoire nous démontre à quel point la vie humaine n’a plus la même valeur en temps de crise…
En bref, un recueil remarquable avec énormément de suite dans les idées. Les textes choisis s’agencent très bien ensemble. Un succès sur toute la ligne!!! On voudrait en savoir plus su ce monde bien développé et cohérent. Qu ‘arrive-t’il ailleurs qu’en Estrie??? Ça mériterait un autre recueil!!!